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LA MADONE DE MAILLERAS

— Dans deux mois, Monsieur, répondit Lizzie tremblante.

— Eh bien, dans deux mois, voulez-vous me le confier ? Je reviendrai ici à mon retour du voyage que j’ai entrepris, et je l’emmènerai, si vous y consentez. »

Jean était haletant pendant cette conversation ; son sort allait se décider : ou il demeurerait toute sa vie sans possibilité de rien apprendre ; ou il lui fallait, pour acheter le talent, quitter ceux qu’il avait aimés jusque-là de toutes les forces de son âme. Pourtant la tentation était grande, et, malgré la peine qu’il éprouvait à les quitter, il désirait de toute son âme que la proposition du peintre fût acceptée ; car une vocation irrésistible le poussait vers cet art, auquel il s’exerçait sans succès depuis son enfance, faute des leçons qui lui étaient nécessaires.

Lizzie le regarda. Elle connaissait bien l’enfant qu’elle avait élevé ; elle lut dans ses yeux et n’hésita plus ; son sacrifice fut fait.

« Père, dit-elle d’une voix sourde, il nous faut y consentir. Jean travaillera ; il nous aimera toujours ; il deviendra peut-être célèbre, et alors nous serons récompensés,