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HISTOIRE

de cuirassiers que commande en personne le général Regnauld de Saint-Jean-d’Angely.

La résistance du poste du Château-d’Eau, cet acte sublime d’honneur militaire, dont les héros plébéiens sont tombés inconnus dans le silence de la mort, protégea la déroute honteuse des Tuileries.

Nous avons vu que les insurgés, secondés par une centaine de gardes nationaux des troisième et cinquième légions qui venaient de désarmer le poste de la Banque, avaient forcé les grilles du Palais-Royal, du côté de la galerie de Valois. En une minute, les appartements étaient envahis, toutes les fenêtres se garnissaient de combattants ; le palais et le poste se renvoyaient des feux meurtriers, la mitraille pleuvait sur la place comme une grêle épaisse. On supposait bien que les munitions devaient s’épuiser, que les morts devaient être déjà plus nombreux que les vivants dans l’intérieur du poste ; mais rien n’annonçait que le courage fléchît. La pensée de capituler, en effet, ne venait point à ces braves. Et le peuple se ruait sur les marches du perron, contre les portes qu’il ébranlait à coups de barre de fer ; les uns s’efforçaient d’escalader les fenêtres, tandis que d’autres, moins emportés par l’ardeur du combat et déplorant l’inutile effusion du sang, s’efforçaient de faire cesser le feu et d’amener les soldats à des pourparlers. Ils s’avançaient jusqu’au pied des murs, affrontant une mort presque certaine. Mais en vain essayaient-ils par leurs gestes, par leurs cris, de rassurer les assiégés sur leurs intentions pacifiques. On les accueillait à coups de fusil, comme on avait accueilli le général Lamoricière, M. Crémieux, M. de. Girardin et le maréchal Gérard lui-même. Quelques-uns de ces intrépides citoyens payèrent de leur vie leur généreuse résolution.

Tout à coup une pensée infernale saisit la multitude.

On venait de forcer sur la place du Carrousel les écuries royales. Quelques enfants avaient mis le feu aux voitures. « Le feu ! le feu au Château-d’Eau » s’écrie-t-on.