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HISTOIRE

dre. Pour se créer les ressources immédiates dont il avait un si impérieux besoin, le ministre des finances, qui répugnait aux mesures révolutionnaires, n’avait à sa disposition que des moyens de peu d’efficacité. Chaque jour, cependant, des remèdes empiriques lui étaient proposés. Les plans, les projets, les inventions arrivaient par centaines au ministère ; les murs de la ville se couvraient de conseils, signés ou anonymes, et des propositions les plus extravagantes du monde. Une émission de 800 millions imposée à la Banque de France, un emprunt forcé de 60 à 80 millions extorqué par la menace aux capitalistes, furent très-sérieusement conseillés à M. Ledru-Rollin et à M. Garnier-Pagès par deux financiers des plus considérables de Paris[1]. De son côté, le gouvernement provisoire à qui M. Garnier-Pagès inspirait une confiance entière, l’autorisait par décret (le 9 mars) à aliéner, jusqu’à concurrence de 100 millions, les diamants de la couronne, les terres, les bois et forêts composant les biens de l’ancienne liste civile, les lingots et l’argenterie provenant des résidences royales. Mais, comme ces biens n’auraient pu être vendus sur l’heure qu’à moins de moitié de leur valeur réelle, M. Garnier-Pagès n’usa pas de l’autorisation qui lui était donnée ; il se borna à attribuer une valeur de 75 millions sur ces biens comme garantie de

  1. Le bruit public a désigné MM. Fould et Delamarre comme ayant très-vivement insisté sur la nécessité de l’emprunt forcé et l’utilité de la banqueroute. À en croire ce bruit, M. Delamarre se serait rendu, dans les premiers jours de la révolution, au ministère de l’intérieur et aurait remis à M. Ledru-Rollin une liste contenant les noms des principaux capitalistes de Paris et la désignation de leur fortune. M. Louis Blanc (Révélations, t. I, p. 275) affirme que M. Delamarre vint le trouver au Luxembourg pour lui faire les mêmes ouvertures. « C’est mon opinion et celle de tous mes collègues, » lui dit M. Delamarre.

    Des mesures que l’on a depuis qualifiées de socialistes étaient alors proposées par la presse conservatrice. Le Journal des Débats (17 mars 1848) recommandait à l’attention publique la brochure de M. Lehideux, homme éclairé et pratique, qui voulait qu’on ajournât les bons du Trésor et tous les créanciers de la dette flottante, qu’on augmentât l’impôt à partir d’un certain chiffre et de manière à doubler les cotes les plus fortes, et qu’on imposât la rente et les bons du Trésor.