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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tions. Parmi les papiers trouvés au ministère des affaires étrangères, on avait mis la main sur un rapport adressé à M. Duchâtel, le 22 octobre 1839, au sujet de la conspiration du 12 mai. Ce rapport non signé, mais d’un style très-particulier et très-incisif que l’on crut reconnaître, contenait des détails sur l’organisation des sociétés secrètes et spécialement sur les hommes qui avaient monté le coup du 12 mai. Dans le conseil du gouvernement provisoire, personne ne révoqua en doute l’authenticité de ce document, car il venait confirmer des soupçons qui depuis longtemps déjà planaient sur la probité politique de son auteur présumé. Tous y virent un moyen assuré de perdre un ennemi dangereux, et l’on s’entendit aussitôt avec un écrivain du parti républicain, M. Taschereau, pour la publication d’une Revue composée de pièces historiques relatives à la monarchie déchue, et dont le rapport en question ouvrirait la série.

Le premier numéro de la Revue rétrospective parut le 31 mars. Ce fut un coup de foudre. À peine M. Barbès eut-il parcouru les premières lignes du rapport que, frémissant d’indignation, sans admettre une seule minute l’hypothèse d’une pièce supposée ou falsifiée, il nomma M. Blanqui. Blanqui seul au monde, avec Barbès, avait eu cette connaissance intime des moindres circonstances de la conspiration. Ou Blanqui ou Barbès était le délateur. Poser ainsi la question, c’était assurément la résoudre.

Une rumeur effroyable agita les clubs. M. Blanqui, frappé d’un coup si imprévu, protesta dans son club contre un document qui n’était ni écrit, ni signé de sa main, et déclara qu’il ne verrait plus personne jusqu’à sa justification complète. De son côté, le club de Barbès sommait Blanqui de s’expliquer devant un tribunal d’honneur chargé d’examiner l’affaire, d’entendre les témoignages et de prononcer la sentence ; mais Blanqui récusait ce tribunal et refusait d’y comparaître. À huit jours de là, il publiait sa réponse qui était bien moins une justification qu’une accusation