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HISTOIRE

reur fut pour cette force, encore inerte, comme un choc électrique qui l’anima.

Le contraste du triomphe décerné aux mânes de Napoléon et de la dure captivité que subissait son neveu saisit les imaginations. « Pendant qu’on déifie les restes mortels de l’Empereur, écrivait Louis Bonaparte, moi, son neveu, je suis enterré vivant[1]. » À cette pensée, un certain attendrissement pénétrait les cœurs.

Le gouvernement de Louis-Philippe s’irrita d’un sentiment qu’il aurait dû prévoir. À peu de temps de là, il refusa sèchement au prince Louis, malgré une lettre que celui-ci adressa directement au roi, malgré les démarches de lord Londonderry et de M. Odilon Barrot, l’autorisation d’aller à Florence, où l’appelait son père mourant.

L’évasion du prince suivit de près ce refus. Le 25 mai 1846, il s’échappa de Ham sous un déguisement, et, comme son père était mort dans l’intervalle des négociations, il gagna l’Angleterre. Depuis cette époque, il ne quitta plus le territoire anglais. C’est à Londres qu’il apprit les événements du 24 février. Le 26, il arrivait dans la soirée à Paris et descendait sans bruit rue de Richelieu, à l’hôtel de Castille. Un petit conseil d’amis s’y était rassemblé ; on mit en

    coup d’hommes de tous les partis se rattachent au prince. Le mouvement des esprits est très-marqué dans ce sens, surtout en province. À Paris il s’accuse parmi les députés. On en compte une trentaine qui confessent volontiers leurs dispositions à cet égard. Toute l’ancienne extrême gauche est là en masse. La gauche Barrot est entamée, et le mouvement arrive presque jusqu’à son chef, cependant très-indécis. Thiers est suspect à quelques-uns ; je crois que c’est à tort. Thiers commence à douter de la dynastie, mais il n’en est pas détaché. C’est le seul homme peut-être qui sache bien sur tous les points notre situation ; il est impérialiste par le fond des idées, mais il redoute trop une révolution pour se faire révolutionnaire… Le parti bonapartiste pousse ses rameaux jusque dans le parti conservateur. C’est exceptionnel et rare, mais cela se trouve. C’est un parti qui se fait avec les déclassés de tous les côtés, et les déclassés abondent au point que le nombre et la force est avec eux désormais. »

  1. Préface des Fragments historiques publiés à Londres en 1841.