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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

même moment, le représentant Charbonnel est frappé mortellement et tombe à ses côtés.

Nobles victimes du patriotisme et de l’honneur ! De quels regrets l’on se sent pénétré en retraçant, d’une plume si rapide, vos derniers moments, dont aucune circonstance ne devrait rester inconnue ! Mais la mort, en ces jours néfastes, frappé des coups si prompts, si multipliés, si cruels, qu’elle nous force en quelque sorte à l’imiter et nous interdit les larmes.

L’honneur militaire et le courage civil ne devaient pas seuls, d’ailleurs, offrir à la patrie un sang généreux. Pour que l’immolation fût complète et que le génie de la France se montrât dans toute sa grandeur, il fallait que le sacerdoce, qui eut de tout temps une part si forte dans la gloire de la nation française, vint témoigner, à son tour, comme le faisait la société politique, que son esprit était vivant encore et qu’il n’avait pas perdu, dans l’affaissement des mœurs, les inspirations de la charité et la puissance du martyre.

Un homme d’un cœur simple, un prêtre dont l’existence avait été sans éclat jusqu’à ce jour, était réservé à ce témoignage. Le martyre de l’archevêque de Paris allait renouveler, à la face du monde, ce grand spectacle, qui fut la force et qui restera la gloire de l’Église chrétienne. Il allait montrer aux hommes, qui l’oubliaient trop, la domination de la volonté humaine sur la nature, le triomphe de l’esprit sur la chair, l’immortalité conquise au sein de la mort.

Depuis les premières heures de l’insurrection, M. Affre avait laissé paraître un trouble extrême. Autant son esprit était demeuré toujours inébranlable dans l’exercice de ses droits et de ses devoirs spirituels, autant sa constitution physique le livrait, dans les actes ordinaires de la vie, aux conseils de la peur. La moindre agitation populaire, la possibilité seule d’un combat, quand il l’entrevoyait, lui causaient un effroi dont il ne se rendait pas maître. En plu-