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HISTOIRE

Né le 28 octobre 1815, à Madrid, où son père, originaire de Rhodez, était inspecteur général des finances du roi Joseph, parent, par sa mère, du général Pozzo di Borgo, M. Louis Blanc reçut, avec son frère cadet, dans la maison paternelle, des impressions et des leçons qui devaient lui inculquer l’horreur de la Révolution française. Son aïeul avait expié sur l’échafaud une existence entachée d’aristocratie, et la piété catholique de sa mère puisait dans ce souvenir de sévères avertissements. Mais le collége et l’étude effacèrent peu à peu ces impressions de l’enfance, en ouvrant à l’imagination du jeune homme des vues plus vastes sur le passé et sur l’avenir. Au sortir des classes, il perdit sa mère ; son père, complétement ruiné par la chute du roi Joseph, entra dans une mélancolie sombre qui lui faisait appréhender, dans tous ceux qui l’approchaient et jusque dans ses fils, de secrets ennemis.

Sous ces tristes auspices, M. Louis Blanc vint, en 1830, chercher à Paris quelques moyens d’exercer des aptitudes que ses maîtres avaient jugées extraordinaires, et que lui-même sentait incompatibles avec l’obscurité où le retenait l’indigence. Doué d’un visage charmant, d’un esprit où la verve de l’expansion méridionale s’alliait à une rare faculté de concentration et à une maturité précoce, il intéressait, il captivait tous ceux dont il sollicitait le patronage ; mais, de protection efficace, il n’en rencontrait pas. Et les heures et les jours passaient ; et les plus rudes privations comprimaient, dans un cruel isolement, sa jeunesse avide de se répandre. Plus d’une fois il feignit d’avoir pris ses repas au dehors, afin de laisser à son frère, moins robuste que lui ou moins stoïque, sa part du pain quotidien ; plus d’une fois il fit de sa plume, déjà éloquente, un emploi servile pour procurer à son vieux père un soulagement passager. Enfin, voyant l’inutilité de ses efforts pour sortir de peine, il céda, quoique avec répugnance, au conseil d’un de ses oncles qui, depuis longtemps déjà, l’exhortait à se prévaloir de sa parenté auprès du général Pozzo di Borgo