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HISTOIRE

il ne le connaissait pas ; c’était un séide de Blanqui, un jacobin fanatique, le cuisinier Flotte[1].

Quand le gouvernement provisoire parut sur l’estrade, il fut reçu par une longue et enthousiaste acclamation du peuple qui ne s’informait seulement pas si ses demandes avaient été accueillies ou rejetées. Seulement, il exprimait par les cris infiniment plus répétés de : Vive Louis Blanc ! vive Ledru-Rollin ! sa sympathie plus grande pour les membres les plus révolutionnaires du conseil. M. Louis Blanc, sur l’invitation même de ses collègues, prit la parole pour remercier le peuple de la force qu’il donnait par son adhésion, si chaleureuse et si complète, au gouvernement chargé d’exécuter ses volontés.

Après qu’il eut terminé sa harangue, le gouvernement provisoire rentra dans l’hôtel de ville et le défilé des corporations commença. Il fut long et garda jusqu’à la fin sa parfaite discipline. On a évalué à 100,000 hommes environ le chiffre de l’armée populaire. À cinq heures seulement les dernières corporations quittaient la place de Grève. Un groupe nombreux d’ouvriers y resta pour escorter M. Louis Blanc ; un autre accompagna M. Ledru-Rollin au ministère de l’intérieur, où le ministre essaya encore une fois, dans une chaleureuse allocution, de leur faire sentir combien ils avaient tort de vouloir éloigner de Paris une armée dévouée au pays et composée d’enfants du peuple.

M. de Lamartine, resté seul, pensif, atteint d’un premier doute, s’achemina lentement à pied, par les rues qui s’illuminaient en l’honneur de ses adversaires politiques, vers l’hôtel de la rue des Capucines, où l’attendaient dans une vive inquiétude sa femme et ses amis. Ceux-ci, effrayés des bruits qui couraient, veillèrent en armes au ministère des affaires étrangères. Ils avaient été avertis par des agents de leur police secrète que Blanqui et ses hommes devaient, pendant la nuit, enlever M. de Lamartine.

  1. Voir Pages d’histoire, p. 94.