Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/119

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n’avait pas osé s’en ouvrir jusque-là. Ceux-ci, indignés, refusent d’y prendre part ; mais le duc, trop compromis désormais pour reculer, persiste ; il se tourne vers les soldats et leur commande d’avancer « Marchez, mes enfants, marchez, la ville est à nous. » La troupe royale se hâte ; elle charge dans les rues « les pistolets au poing, les piques basses, les arquebuses et mousquets couchés en joue », au cri formidable de « Tue ! tue ! vive la messe[1] ! » Elle renverse tout ce qu’elle rencontre et pousse en un clin d’œil jusqu’à la place du Marché, au centre de la ville. Dans le même temps, une autre partie des troupes est montée sur les remparts et tourne les canons. Déjà les Français se croient victorieux et crient : « Ville gagnée ! » Mais soudain le beffroi retentit, on entend les tambours de la milice. Quelques gardes, échappés au massacre de la porte de Kipdorp, ont crié « Aux armes ! » En peu de minutes, un grand nombre de bourgeois sont accourus ; ils soutiennent bravement le premier choc,,et donnent le temps aux autres d’arriver. Bientôt toute la population, hommes, femmes, enfants, protestants, catholiques, tous sortent de leurs maisons et se jettent sur les Français avec une rapidité incroyable. Comme dans la soudaineté de la rumeur et le péril pressant, on n’a pu ni s’armer complètement, ni se pourvoir de munitions, les bourgeois, à défaut de balles, arrachent les boutons de métal de leurs vêtements, ils ploient,

  1. Sully, Mémoires, chap. xvii.