Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/120

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avec leurs dents, des pièces d’argent et d’or pour charger leurs arquebuses[1]. On raconte qu’un garçon boulanger, entendant le tumulte, sort de la cave où il pétrissait le pain, demi-nu, armé de sa pelle a four, qu’il fond sur le premier cavalier qu’il rencontre, lui assène un coup vigoureux, le désarçonne, s’élance sur le cheval démonté, échappe par la rapidité de sa fuite aux soldats qui le poursuivent, court dans les quartiers les plus éloignés, y jette l’alarme, et ramène avec lui au combat une foule de peuple.

Cependant, les Français, qui s’étaient crus maîtres de la ville et s’amusaient déjà au pillage des boutiques, étonnés de la résistance, puis de la vive attaque de çes bourgeois, dont ils raillaient naguère les allures paisibles, commencent à se ralentir. La milice reprend le rempart de Kipdorp ; elle retourne les canons et les pointe contre le duc d’Anjou, qui s’avançait avec le reste des troupes vers la ville. A la vue des canons retournés, des morts et des mourants qui encombrent les rues, l’impétuosité française fait place à un découragement subit. Les soldats reculent, ils fuient vers les portes. Dans cette fuite désordonnée, il se fait un grand carnage. De tous les toits, de toutes les fenêtres, on lance des pierres, des meubles qui écrasent les fuyards. A la porte de Kipdorp, on s’étouffe en se pressant pour sortir ; bientôt les cadavres amoncelés en ont

  1. « Ut hostemque auro inhiautem auro conficerent. »(Strada.)