Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/142

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exalté par le jeûne, par l’oraison, par la lecture des histoires de la Bible, qui retracent les meurtres ordonnés de Dieu[1], le cerveau de plus en plus ébloui par des songes et des visions, Gérard vint s’établir à Delft et commença, sous un nom emprunté, à jouer cette comédie de sainteté évangélique qui trompa Villiers et qui lui rendit accessible le palais du prince d’Orange.

Tels étaient en substance les aveux de Gérard. Il les répéta à plusieurs reprises, sans jamais varier et du même accent, sans exprimer ni repentir ni regret de la vie, disant qu’il avait accompli l’œuvre d’un bon catholique et d’un fidèle sujet ; que, si l’action était à faire, il là ferait encore. Sa sentence fut prononcée le 14 juillet ; elle était horrible à entendre. Gérard était condamné à avoir la main droite enfermée et brûlée dans un étau de fer rouge ; les bras, les jambes et les cuisses rongées par des tenailles ardentes. On devait lui ouvrir le ventre, lui arracher le cœur et lui en battre les joues ; puis il devait avoir la tête tranchée et plantée au bout d’une pique, le corps coupé en quartiers pour être pendus à

  1. Gérard lisait aussi le poème de Judith par Du Bartas, et déclamait ce passage avec exaltation
      « Celuy n’est point de Dieu qui guerroye sa loy.
    • —— Tous peuvent estre donc des tyrans homicides.
    • —— Jaël, Ahod, Jehu furent tyrannicides.
    • —— Voire, mais il leur fut commandé du Seigneur.
    • —— D’une pareille loy je sens forcer mon cœur.
    • —— Las ! pour faire un tel coup ton bras a peu de force !
    • —— Assés fort est celuy que l’Eternel renforce. »