Page:Agoult - Histoire des commencements de la république des Pays-Bas - 1581-1625.djvu/17

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tracer des chaussées, élever des digues, bâtir des ponts, des forteresses dont on voit encore les vestiges. Après son expédition chez les Frisons, Corbulon leur imposa même un sénat, des magistrats et des lois. Il paraîtrait qu’ils reçurent quelques dieux romains, ou plutôt qu’ils donnèrent des noms romains à leurs propres divinités. Mais le génie de la civilisation latine ne pénétra pas ces peuples aux fiers instincts. Ils ne voulaient comprendre ni la législation ni la politique romaines, et ils gardèrent obstinément, dans leurs marais inaccessibles, les mœurs, les coutumes, le langage et les lois de leurs ancêtres.

Les historiens latins nous transmettent les témoignages nombreux de l’admiration qu’inspiraient aux conquérants du monde ces alliés redoutables. Le pays qu’ils habitaient, ces terres comme flottantes et « qui tremblaient sous les chars », cette mer si vaste qu’on ne supposait rien au delà, ce sombre Océan « qui voulait garder ses secrets et ceux d’Hercule[1] » causaient aux hommes du Midi une religieuse terreur. Dès le temps d’Auguste, les Bataves, qui avaient suivi César à l’expédition de la Grande-Bretagne et qui s’étaient signalés dans les champs de Pharsale, furent admis, sous des chefs de leur choix, les seuls à qui ils voulussent obéir, dans les gardes prétoriennes. Depuis ce moment, pendant quatre siècles, les cohortes bataves,

  1. « Nec defuit audentia Druso Germanico, sed obstitit Oceanus in se simul atque in Herculem inquiri. » (Tac., Ann., lib. XIII.)