Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/53

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d’acteurs rentrés dans la coulisse après avoir balbutié quelques paroles inutiles, je veux essayer d’examiner avec vous la marche singulière de cette tragi-comédie si tristement absurde qui se joue sous nos yeux ; pour cela, il n’est besoin que de rapprocher deux noms très significatifs, de comparer deux hommes diversement célèbres dont l’un nous apparait à la première heure de la révolution de Février comme pour en faire l’exposition idéale et dont l’autre se montre, dans un avenir assez proche tout prêt à en précipiter le dénouement vulgaire ; dont l’un, en un mot, fut l’espérance, tandis que l’autre sera, je le crains, la déception de la république.

Contraste sensible aux yeux les moins exercés, antithèse frappante, M. de Lamartine et M. Thiers résument, selon moi, en traits caractéristiques, les deux tendances principales de l’époque actuelle ; ils personnifient, en quelque sorte, les deux courants d’idées qui emportent, en sens contraire, l’opinion publique. En France, aujourd’hui, le plus grand nombre est, à son insu même, novateur avec Lamartine, ou conservateur avec M. Thiers. Les esprits plus téméraires ou plus routiniers, plus utopistes ou plus rétrogrades ne sont que des accidents, des écarts de l’opinion en deçà ou au-delà des régions politiques. Ce sont des exceptions curieuses, mais dont on ne saurait tirer de conclusion générale. Si nous voulons véritablement connaître les deux ordres d’idées acceptés par la conscience publique, il faut nous tenir aux deux hommes que je viens de nommer : ils en sont les organes les plus éloquents et les plus fidèles.

La différence de nature, chez ces deux hommes, est tellement prononcée, qu’elle s’accuse en eux de la manière la plus évidente, dès le premier abord, dans les traits, dans la taille, dans l’attitude, dans la démarche, dans le son de voix, dans le geste, dans tout l’extérieur enfin ; extérieur qui, chez l’un comme chez l’autre, est, du reste, en parfait accord avec l’idée et le sentiment qu’il représente.

La taille haute et élancée, le profil sévère, les traits réguliers de Lamartine, la dignité de son port commandent le respect et disposent à l’admiration. Il y a de l’autorité dans le large développement de son front ; le courage respire dans