Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/66

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l’imagine, de leurs subites et mutuelles sympathies. Le chef de ces néo-conservateurs a bien lieu de se réjouir, en effet. Qu’il doit sembler piquant à M. Thiers de se voir devenu le représentant de l’ordre et le garant de la sécurité publique ! La philosophie sceptique de son esprit observateur doit trouver bien plaisant le singulier tour des choses qui presse, à cette heure, autour de sa fortune révolutionnaire, toutes les légitimités, toutes les orthodoxies. Édifier l’abbé Fayet, serrer de sa main droite la main chevaleresque d’un Larochejaquelein, d’un Vogué, quand, de l’autre, on appelle à soi les doctrinaires, c’est là, il faut l’avouer, une rare aventure. Qu’en pense M. Guizot ?

Mais que M. Thiers se hâte d’applaudir lui même à l’originalité de son impromptu politique ! Les fils multiples de l’intrigue sont trop tendus pour ne pas rompre au premier jour. Le concours du clergé, par exemple, qui donne une certaine apparence de solidité à cette combinaison d’élémens hétérogènes, est trop contraire à la moralité, à la dignité, et par conséquent au véraitable intérêt de l’Église, pour que les chefs du parti catholique ne s’en fassent pas scrupule et, venant à résipiscence, n’apportent pas bientôt, dans de telles relations, plus que de la froideur. L’origine du christianisme, sa doctrine et ses préceptes sont de tous points conformes à l’esprit de la démocratie. Ce serait une erreur bien regrettable du clergé français que celle qui séparerait sa cause de la cause populaire. C’est au sein du peuple qui n’a point perdu la foi que le sacerdoce peut aujourd’hui retremper sa force alanguie. Commettre son honneur et ses intérêts avec ceux des disciples de Voltaire, c’est avoir la vue bien courte ; ce ne peut être là qu’une surprise de l’opinion, mais non une volonté réfléchie. J’en dis autant des légitimistes sincères. De semblables coalitions flétriraient l’honneur d’un parti qui, plus qu’aucun autre, puise sa force dans l’intégrité de son honneur. Il n’est pas besoin d’en dire davantage ; les pierres de la citadelle de Blaye sont là qui parlent haut.

Quant à cette fraction de la classe moyenne qui se jette effarée dans les bras de M. Thiers dont elle redoutait naguère la verve belliqueuse et la prodigalité imprévoyante, le ministre du 1er mars s’abuserait fort s’il faisait quelque fondement sur une sympathie toute de circonstance. Que