Page:Ahern - Les maladies mentales dans l'œuvre de Courteline, 1920.djvu/5

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contemporains, dit de Courteline : « Ce qui le rend supérieur à la plupart des auteurs gais, c’est un fond d’observation personnelle. Nul autre n’a, du reste, cette verve drue, gaillarde, toujours franche et de bon aloi. Quant à sa langue, elle est plantureuse, copieuse, savoureuse, naïvement burlesque. »[1]

Léon Daudet, dans la deuxième série de ses Souvenirs politiques etc., etc,[2] nous dépeint un Courteline personnel, intime, que nous ne soupçonnons pas. « C’est, écrit-il, un personnage de contes de fées que Georges Courteline, avec sa petite taille, son teint de papier mâché, ses yeux mobiles, ses paletots aux manches trop longues et sa grosse serviette… Il a la fureur de persuader et la constance de démontrer. Il est bon comme le pain, vif comme l’argent, aigu comme un couteau, gai comme un verre d’anjou blanc ou mélancolique comme un capitaine de gendarmerie ; calé sur le Code comme un huissier de campagne, noctambule comme un chat de Montmartre, amical, blagueur et délicieux. Ne pas avoir connu Courteline est une lacune grave dans le plaisir d’une existence. Ne pas l’apprécier est un signe de maladie de foie. Ne pas admirer sa fantaisie bridée de classique est un manque de goût littéraire. Car sa folle drôlerie n’est que l’envers d’une tapisserie aux nuances harmonieuses, et il vend la logique tantôt dans des verres de coco, tantôt dans de petites boîtes, cocassement ciselées… Cependant, il a l’esprit scientifique, et j’ai souvent admiré la facilité avec laquelle il déblaye le secondaire pour aller à l’essentiel d’un vice, d’un travers ou d’une maladie… Courteline, tout modeste qu’il est, me représente une des physionomies les plus caractéristique de notre temps, et je suis bien tranquille sur la place que réservera à son œuvre la postérité. Il a donné une note si juste avec un instrument si particulier ».

  1. Loc., cit. I, p. 429.
  2. Léon Daudet : Devant la Douleur, Paris, 1915.