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L’ILLUSTRE MAURIN

rin lui avait tenu lieu de père et de mère. Dès cette époque lointaine, le petit frère — qui avait cinquante ans aujourd’hui — allait seul au village pour acheter ceci ou cela, une étoffe, un pantalon tout fait. François le matelassier passait par les Cabanes, quelquefois, rapportant de la ville, pour le compte de Victorin, ce que Victorin lui avait commandé. Des braconniers traversaient le champ de Victorin, et en échange de cette tolérance se faisaient aussi ses commissionnaires — apportaient la poudre de contrebande, en gros grains ronds, pareils à des petits pois tout noirs, et aussi le plomb (du huit) pour tout gibier, et les chevrotines pour les sangliers.

Jamais Victorin ne prenait part à une battue ; mais quand on en faisait une dans son quartier, il veillait chez lui, aux bons endroits ; et de cette façon, ou à l’affût, la nuit, il avait abattu plus d’un porc sauvage.

Il savait, seulement parce qu’il avait eu une mère, qu’il existe des femmes ; il le savait encore parce que, à vingt-cinq ans, son cadet lui avait fait le chagrin de se marier, de le quitter, d’aller habiter Roquebrune, mais sa belle-sœur était morte et Victorin avait retrouvé son frère, dont la chambre était toujours prête aux Cabanes-Vieilles. « Un coureur ! disait Victorin, mais si brave ! »

Le fils de Parlo-Soulet n’avait pas trouvé cette solitude de son goût, et tout jeune s’en était allé à Roquebrune où il travaillait le bien d’un riche propriétaire, apprenant non seulement la culture de la vigne, mais le jardinage d’agrément.

Et si Parlo-Soulet parlait dès qu’il était seul, il y avait à cela deux raisons. La première, c’est que pres-