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L’ILLUSTRE MAURIN

Il ôta ses lunettes et regarda de tous ses yeux la route…

— Diable ! qu’est-ce que je vois arriver ? des comédiens peut-être… ou des voleurs déguisés !

Il s’effaça un peu derrière un chêne vert qui était là… Le galop de deux chevaux s’approchait. À peu de distance les chevaux s’arrêtèrent.

— Oou ! c’est toi, Saulnier ?

— Ah ! bougre de bougre ! c’est Maurin ! et c’est Pastouré !… En bravadeurs, je parie ?

— Eh ! oui.

Le mousquetaire et le dragon avancèrent et se mirent à causer sans descendre de cheval.

— Tu n’as donc jamais vu de bravadeurs ?

— Je ne vois que ce qui passe sur ma route, dit le cantonnier avec résignation ; les chemins que je fais ne sont pas pour moi. Je ne vais que du kilomètre 40 au kilomètre 80.

Il s’essuya le front et reprit :

— Je fais les routes, je ne m’en sers pas… Ah ! mais, vous avez fait une brave peur à mes bêtes ! D’espouvantails comme vous, jamais elles n’en avaient vus ! Je vois, pas moins, passer toutes sortes de choses, moi, par ici ! et le plus drôle fut, l’autre jour, cette ménagerie avec tous ces lions qui hurlaient à faire trembler, tandis que, à côté de leurs cages, marchaient les deux chameaux, deux bêtes hautes comme on en voit dans les crèches de Noël, à la suite du roi nègre. Les lions, enfermés dans des charrettes qui étaient des cages à barres de fer, étaient traînés par des éléphants. Figurez-vous qu’ils s’arrêtèrent ici — parce que là-bas, en travers de la route défoncée, Martegàou avait dû