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L’ILLUSTRE MAURIN

— C’est, dit le mousquetaire, que les palmiers nains et les chênes kermès, et tout ce qui pousse et verdit par là, étaient si serrés, si serrés, que tout le jour je marchais sans toucher la terre du pied… je marchais en l’air pour mieux dire !

— J’ai vu, dit Saulnier, il y a longtemps, à Toulon, un saltimbanque qui marchait comme ça sur des goulots de bouteilles, sans en renverser une, de bouteille. Et, ajouta-t-il curieusement, tu dois avoir chassé le lion, là-bas dans cette Afrique ?

— Si je l’ai chassé ! dit le mousquetaire narquois, je crois bien ! Comment veux-tu aller en Afrique sans chasser un peu le lion ? Il n’y a que Marlusse pour aller voir l’exposition à Paris et revenir sans l’avoir vue.

— Alors, dit le cantonnier, appuyé sur le manche de sa masse dont le fer posait sur son tas de cailloux, alors, comme ça, tu as tué le lion ?

Et il regardait avec un respect nouveau ce mousquetaire qui avait chassé des bêtes si terribles.

— Et toi, Parlo-Soulet, as-tu chassé le lion ?

— J’aimerais mieux, dit Parlo-Soulet, haussant les épaules, chasser les puces toute ma vie qu’un tel gibier qui est plutôt chasseur de chrétiens que gibier pour des chrétiens. Mais… regarde, voilà ta renarde de retour… et ta belette qui sort de ton carnier le bout de son nez… et tes perdreaux qui rallient…

Les animaux familiers reprirent leur place habituelle, et les chevaux du dragon et du mousquetaire ayant jeté leur crottin, les perdreaux y coururent, évitant les sabots qui, de temps en temps, secouaient les mouches.

— Conte-moi donc une de tes chasses au lion, dit Saulnier, si toutefois tu n’es pas trop pressé. Ça fera