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L’ILLUSTRE MAURIN

inventer des histoires neuves ; — et puis les plus connues sont les meilleures pour la raison que les autres s’oublient. Conte-moi à présent celle de Calas.

— Non, toi, que tu la sais.

— Non, toi.

— À toi, voyons, insista Pastouré.

— À toi, insista Maurin…

— À Calas, dit Pastouré sans se faire prier plus longtemps, les ânes habitent le troisième étage des maisons parce que les maisons sont bâties le dos contre la montagne ; et, au troisième étage, elles ont leur porte de derrière qui ouvre sur un chemin. C’est donc au grenier qu’on fait habiter les ânes, qui entrent par la porte de derrière ouverte sur le chemin, et qui, par les fenêtres ouvertes sur la façade, regardent devant eux, au midi, les collines qui leur cachent la mer et la plage de Saint-Raphaël, lesquelles sont à sept lieues de là. Dans les maisons qui n’ont point d’âne, ce sont les gens qui habitent le troisième. Un de ceux-là, un matin en s’éveillant, regarda par sa fenêtre, et vit un brouillard qui couvrait tout l’Estérel et toutes les collines et tout, et qui arrivait juste au bord de la fenêtre ; il était bleu et gris, le brouillard, et épais.

« Mère, crie celui-là, qui était un jeune homme, la mer a débordé !… Elle est venue à Calas !… Vite, vite ! vite ! une chaloupe ! — — De chaloupe, nous n’en avons point ! — Je le sais, parbleu, bien ! mais je veux dire par là qu’il faut que vous me donniez le pétrin. » « Avec l’aide de sa mère, il mit sur l’appui de la fenêtre le pétrin qui avait, comme de juste, à peu près la forme d’une petite embarcation. « Attendez, que je m’embarque, et puis, vous pousserez la chaloupe à l’eau ! »