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L’ILLUSTRE MAURIN

et des cornes de chouette, mais quand elle veut perdre les chrétiens, elle prend une jolie figure de princesse… Sous le visage enfantin qui lui souriait, il crut voir le monstre de proie.

— Eh ! dit-il alors rudement, je ne sais pas, à la vérité, si dans ta jarre où tu te baignais, voici un an tout à l’heure, il y avait une petite vierge honnête, mais je sais que dans le quartier des Casàous il y a maintenant une mauvaise auberge où, la nuit, vont bambocher, avec des filles, tous les fénas (bons à rien) du quartier. Tu y es entrée un soir, voici deux mois, avec un homme qui n’est plus jeune ! et qui est marié ! Et je t’ai vue y entrer !… Et le hasard a voulu que je t’en ai vue ressortir au matin.

Dès que Maurin eut prononcé ces paroles, la Fanfarnette cessa d’être jolie… Il la regarda en face, et vit, avec certitude, ce qu’elle était : une masque (sorcière) !

— Que tu m’aies vue, qu’est-ce que ça fait ? dit-elle impudemment. Celui avec qui j’étais est marié, oui ! Et c’est pour cela qu’il ne dira rien, — non plus que ceux de l’auberge, qui font leur métier comme ils doivent, je veux dire en se taisant. Alors, tu auras beau faire, mon garçon ! tout le monde me croira et tu ne seras pas cru ! et tout le déshonneur sera pour toi !

Il la regardait toujours, stupéfait de pareille audace. À chacune de ses paroles, il lui semblait voir sortir d’une fleur une mouche venimeuse… Maintenant, elle était tout à fait laide ; sa bouche était un peu tordue. Elle souriait mal. Ses yeux de chevrette le regardaient en face. Mais il y avait sur eux comme un nuage, et il y voyait, sous le mensonge inutile, la cruauté froide