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MAURIN DES MAURES

pendant que Maurin emmenait Tonia sur la hauteur.

Aux chasseurs du pays, il avait dit seulement :

— Placez-vous, vous autres, où vous pouvez, pour le mieux.

Les frères Pons répondirent :

— Sois tranquille, Maurin, on sait ce qu’on a à faire.

— Et toi, Pastouré ?

— Oh ! moi, dit Pastouré, je comprends qu’aujourd’hui, si on est ton ami, il faut que tu sois le roi de la chasse ; je vais me poster à côté de M. Labarterie. (Il prononçait : Labarterille.)

Maintenant tous les chasseurs étaient chacun à leur poste, immobiles et muets, — quelques-uns découpés en silhouettes dures sur le ciel et sur l’horizon de mer, d’autres à demi enfouis derrière une touffe d’arbousiers ou de genêts. Ils espéraient. Tonia, qui n’avait jamais tiré le sanglier, était émue. Seule au bord d’un sentier, entre deux hauts rochers, elle surveillait, en face d’elle, un plateau par où, avait dit Maurin, ils devaient venir.

Du point où elle se trouvait, elle n’apercevait personne. Elle n’entendait rien que le bruissement monotone, prolongé, des branches qui se frôlent sous la brise. Le vent frais du matin, parfumé d’herbes de montagne, la caressait, faisait frissonner sur sa nuque les cheveux fous, irisés au soleil levant.

Tout ce pays perdu semblait attendre aussi quelque chose. Et quoi donc ? La vie ou la mort, — comme les fauves que l’on chassait. L’amour aussi — peut-être. Sans réflexion, la fille sauvage subissait le charme de l’heure, du lieu, de la saison. Et l’émotion d’être là, en attente, pour voir, pour surprendre la vie libre des bêtes pour l’arrêter, pour lutter contre elle, non sans péri,