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MAURIN DES MAURES

peut-être, cette émotion soulevait sa jeune poitrine. Elle buvait longuement l’air de la montagne, si matinal, et s’efforçait de respirer en silence. Mais elle était oppressée. Sous son doigt, son arme lui semblait vivante, elle aussi, comme soulevée d’une inquiétude.

Tout à coup elle tressaillit. Des cris sauvages, des coups de fusil, des sons prolongés de conques marines, des roulements de tambour éclatèrent. C’était, au profond du fourré, les rabatteurs qui se repliaient vers les chasseurs, en faisant le plus de tapage possible pour forcer les sangliers à se lever et à fuir devant eux. Leurs cris avaient on ne sait quoi d’irréel. L’écho les grossissait, les redoublait, en faisait des appels d’êtres fantastiques. Puis tout ce bruit s’apaisait durant quelques secondes pour reprendre comme une huée de tempête. On eût dit une bataille où s’entr’égorgeaient des diables.

Tonia attendait, toujours plus émue à mesure que les cris, les tambours et les conques semblaient se rapprocher. D’une seconde à l’autre, le troupeau des sangliers (ils sont huit ou neuf, avait dit Maurin) pouvait venir par là vers elle, passer en même temps à sa droite et à sa gauche. Quel triomphe si elle allait en tuer un au passage ! Elle se voyait félicitée par Maurin, par les messieurs, par tout le monde. Cette vision l’exaltait. Elle ouvrait ses yeux tout grands ; et son oreille tendue épiait les moindres craquements dans les bois, les moindres « crenillements » qui rompaient la monotonie du silence…

Tout à coup, elle sentit un bras doucement l’enlacer tandis qu’une voix, basse comme un souffle, disait :