Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
MAURIN DES MAURES

ici mon hôte et celui de mon père et par conséquent le vôtre. Arrêtez-le donc maintenant !

Il y eut un silence pendant lequel « on aurait entendu voler les mouches ». Le pauvre Alessandri réfléchissait de son mieux.

— Femme, dit-il enfin, mon devoir est mon devoir, la consigne est la consigne. Il faut que j’arrête cet homme-ci partout où je le trouverai.

— Vous ne ferez pas cela, cria-t-elle, ou vous n’êtes pas un vrai Corse !

— Je le ferai, dit le gendarme, en vrai Corse que je suis. Quand vous parlez de l’hospitalité, Antonia, vous dites ce que vous devez dire, et je suis content de vos paroles. Mais je suis un soldat. J’ai reçu des ordres qu’il faut que j’exécute, et je les exécuterai, et en vrai Corse, je vous le dis !

Il fit un pas vers Maurin. Alors, malgré elle, Antonia poussa ce cri, qui fit pâlir son fiancé :

— Les vrais Corses, les vrais, sont bandits avant tout, cria-t-elle, bien avant d’être gendarmes !

Alessandri et Maurin échangèrent, sur ce mot, un regard chargé de défi.

Tous deux sentaient qu’ils se disputaient l’amour même d’Antonia.

Le regard de la Corsoise ne quitta Maurin que pour se porter sur le gendarme avec une expression de colère où il y avait du mépris.

— Écoute, gendarme, fit Maurin sérieusement, tu ne feras pas ça, de m’arrêter ici. Je calcule que ce serait une mauvaise affaire pour toi, aux yeux de ta fiancée. Je lui ai rendu un gros service, un vrai, il n’y a pas à dire, voici une heure à peine. Elle m’a invité à venir