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MAURIN DES MAURES

met d’une colline, dans une mussugue au milieu de laquelle s’élevaient quelques pins espacés. Sur le profil de cette colline, Maurin aperçut tout à coup la silhouette gesticulante du silencieux Pastouré. Pastouré, n’ayant pas rencontré de bécasses, cherchait un lapin.

Dans cette région, la chasse aux lapins se fait d’une façon toute particulière.

On les fait chercher par les chiens dans la mussugue. La « mussugue » est un champ de cistes. Dans ces champs de cistes, les pas des chasseurs, parfois la faucille, ont tracé d’étroits sentiers. Les chiens courants sont lancés. C’est au moment où le lapin sort de la mussugue et suit ou traverse un sentier, qu’on le tire.

Mais la mussugue drue et qui vous monte à la hauteur du genou, empêche de surveiller ces sentes étroites. Et c’est pourquoi les pins qui çà et là se dressent dans les champs de cistes sont respectés religieusement et leurs branches taillées de manière à former de courts et commodes échelons pareils à ceux des perchoirs à perroquets. Quand le chien « bourre », le chasseur s’élance sur le perchoir le plus proche avec une singulière agilité entretenue par l’habitude, et, du haut de l’arbre, à cheval sur une forte branche épaisse et coupée court, il fusille le lapin aussitôt mort qu’entrevu.

Tout cela se fait en un clin d’œil.

Bien qu’il fût accoutumé aux façons de Pastouré, Maurin, ce jour-là, délivré de ses grands soucis personnels, se prit à regarder son ami avec un intérêt tout nouveau. Selon sa manie, Pastouré, se croyant bien seul, était en train de monologuer en gesticulant comme un sémaphore.