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MAURIN DES MAURES

CHAPITRE XXX


Comment les fêtes publiques des Plantouriens furent troublées, le beau jour de la Saint-Martin, et comment un heureux miracle termina cette lamentable aventure.


L’aubergiste Jouve, cuisinier hors ligne, est très estimé dans le pays pour l’indépendance de son caractère. Ce maître d’hôtel extraordinaire et bien provençal ne donne à manger qu’aux voyageurs qui lui plaisent. Si vous n’êtes pas sympathique à Jouve, rien à faire ; pour or ni pour argent vous n’obtiendrez rien. D’un bout des Maures à l’autre, on raconte volontiers qu’un Monsieur le préfet étant venu, un jour, chez Jouve, demander à dîner pour lui, sa femme et la femme d’un invité, — Jouve lui dit froidement :

— Fallait me prévenir ; je ne peux pas.

— Il n’y a pas de je ne peux pas. Il faut. Faites ça pour moi. Je suis le préfet.

— Je le sais bien, dit Jouve. Il y a une heure qu’on vous appelle comme ça devant moi ; mais quand vous seriez le pape, je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— Parce que.

— Mais enfin ?

— D’abord, tenez, si vous voulez que je vous le dise…

Il regarda avec un dédain non équivoque les toilettes parisiennes, robes, chapeaux et manteaux des deux