— Son père, à ce qu’il dit, est un grand amiral qui serait devenu gouverneur aux colonies, et sa mère, qui l’a eu quand elle était fille, a épousé, selon lui, au lieu de son père, un autre savant qui est devenu ministre par son mérite. On lui a dit qu’elle vient habiter des fois à Saint-Raphaël et il jure qu’il ira lui parler.
— Je vois, dit Maurin, que c’est un fier imbécile et qu’il est temps que je me fasse connaître à lui. Sans cela, cette tête pas finie fera quelque escooufestre (scandale) et troublera le ménage de quelque pauvre dame avec ses imaginations qu’un diable lui souffle ! Je paraîtrai. Pour peu que je tarde, il se croira fils de pape !
— Tu aurais dû paraître plus tôt, fit le vieux Saulnier.
— Eh ! je n’ai pas pu. C’est toute une histoire. J’ai cru bien faire en ne disant jamais rien, rapport à la mère… Mon secret n’est pas à moi… Merci, Saulnier. Tiens, voilà mon « merci ».
Maurin payait de temps en temps de quelque gibier, poil ou plume, les services de son brave ami le cantonnier.
Il lui offrit, cette fois, deux lapereaux que l’autre pourrait vendre au conducteur de la diligence.
— À propos, dit Maurin en le quittant, je te ferai donner une gratification par le préfet.
Il dit cela simplement, comme un sultan qui annonce à un pauvre qu’il lui enverra son vizir, porteur d’une bourse bien garnie.
Et l’autre ne s’étonna pas.
— Merci, Maurin, dit-il, tu es brave. Un peu de protection, ça n’est jamais de refus. Tout va par protection sur la terre. Le mérite, on s’en fiche !…