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MAURIN DES MAURES

— Ça, ça serait dommage, fit doucement Maurin. À ton âge, mon homme, on a droit à la ration double. Té, entrons ici, on nous prêtera des chaises et une table où poser la bouteille et le pain que j’ai, — par précaution, — toujours au carnier.

Il poussa Césariot dans une maison de sa connaissance dont la porte s’ouvrait au bord du chemin.

— Bonjour, Capoulade. Je te demande asile.

— Tu es chez toi, Maurin, dit l’autre… Que veux-tu ?

— Ta table, pour manger à notre aise le dîner que j’apporte.

— Nous autres, nous avons dîné, répliqua Capoulade. Fais à ta volonté.

Sous le manteau de l’immense cheminée brûlaient quelques troncs d’arbre. Une bouillotte chantait. Un chat ronronnait à côté de deux chiens courants, qui regardaient s’écrouler les braises.

Capoulade alla à ses occupations au dehors, laissant Maurin maître de sa maison. Maurin tira de son carnier vivres et bouteille et mit le tout sur la table.

Les deux hommes, le père et le fils, mangèrent en silence, d’un air de grand appétit. Maurin avait tiré d’une terrine deux gros morceaux de « bœuf en daube ».

Voyant que Césariot cassait son pain, le père se mit à rire :

— Tu as perdu ton petit couteau, qué ? dit-il de sa voix la plus flûtée. Eh bé, té, prends le mien !

Il passa au jeune gaillard son couteau, tout pareil à celui qu’il lui avait arraché des mains sous le pin Berthaud.

Après s’en être servi, Césariot voulut le lui rendre.

— Garde-le, fit gaîment Maurin, en souvenir de ton