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MAURIN DES MAURES

C’est égal, ce n’est pas du bon sens, même pour prier Dieu, de s’en aller seule dans les bois comme ça !

— Je n’ai pas peur, dit Tonia.

Elle tâtait sous les plis de son corsage son stylet corse.

— Tu n’as pas peur, mais il ne faut qu’une fois, ma belle, pour que « le malheur » arrive aux filles ! Enfin, ça te regarde… Si tu avais prévenu d’avance, on aurait pu trouver quelque femme pour t’accompagner. Mais, de ce moment, elles travaillent toutes aux châtaignes. Ce soir, on te donnera la chambre près de la nôtre. En attendant, pour ton dîner, tu auras de la soupe grasse, avec des vermicelles, puis le bœuf bouilli, puis le bœuf en daube, puis des côtelettes, puis des becs-fins rôtis, puis du lièvre ; nous n’avons pas davantage, pechère ! Après ça, tu auras un chou farci, puis le fromage et le dessert : des figues, des châtaignes et des confitures. Et si, avec ça, tu n’as pas ton compte, c’est que tu es difficile. Et tout à se lécher les doigts !

— Il faut deux heures, n’est-ce pas, dit Tonia, pour monter à la Bonne Mère ?

— Deux heures, répondit l’une des deux dévotes, sûr ; deux heures au moins, déchaussée surtout. Et si tu fais des prières longues devant les piliers, tu en peux mettre quatre, d’heures, et autant que tu voudras. Songe ! il y a deux douzaines de saints pilons !

— Ah ! vaï ! rectifia la seconde dévote avec aigreur : deux douzaines ! Une, à peine, vu qu’ils sont démolis presque tous !

— Enfin, n’importe, il y a des pins marqués d’une croix, devant lesquels la prière est aussi bonne…

Le lendemain matin, Tonia se mit en marche vers Notre-Dame-des-Anges.