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MAURIN DES MAURES

voir Maurin des Maures qui, caché dans les bruyères, la suivait.

Il avait appris le projet de pèlerinage de Tonia par son ami le cantonnier, qui, lui, l’avait su par la femme de la cantine du Don, et il s’était mis en tête d’accompagner la voyageuse, sans se faire voir, afin de la protéger au besoin ; mais c’était là une mauvaise excuse qu’il se donnait à lui-même. Au fond, il était jaloux ; et croyant qu’elle avait un rendez-vous avec Alessandri, il voulait en avoir le cœur net. Il épiait donc Tonia depuis la veille au matin. Il avait passé la nuit à Pignans. Là, quand il sut Tonia installée chez les dévotes, il passa une nuit tranquille, mais il était persuadé qu’elle devait rencontrer le gendarme ou en route ou tout là-haut, à l’arrivée. Et c’est pourquoi il la suivait.

Les perdreaux, il s’était bien gardé de les tirer, pour ne pas se dénoncer. Il la suivait en chasseur, comme si elle eût été un perdreau elle-même ; il allait en silence, le fusil sur le bras, son chien sur ses talons.

Ou encore il la guettait comme jadis les Sarrazins, ses aïeux épiaient, sur nos rivages ligures, les petites Provençales chrétiennes, pour les emporter sur leurs barques de pirates ou seulement pour les mettre à mal, sous bois ; tels les satyres antiques, rapteurs de nymphes.

De fait, c’était tout cela. Et le passé était le présent, car tout se recommence.

Les saints pilons ou oratoires, gros piliers surmontés d’une niche où, sous un grillage, rêve une madone ou un saint, — sont innombrables en Provence.

Et s’il faut en croire les archéologues, ce ne sont que les anciens termes païens, les priapes transformés —