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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/297

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MAURIN DES MAURES

mais gardant toujours, dans leur configuration générale, la pensée sacrée, celle de l’instinctif amour. Érigés maintenant pour attirer la prière mystique comme ils le furent autrefois pour honorer le désir charnel, ils sont les témoins fixes des âges changeants. Ils répètent sans fin l’idée de la vie maîtresse de tout, et, tels que des styles d’horloge solaire, ils écrivent, sur la terre féconde, avec leur ombre, le signe éternel de l’éternel recommencement des choses.

Sous le petit dôme dont ils sont coiffés, ces pilons païens portent une statuette de la Vierge chrétienne.

C’est au pied de ces termes que l’amoureuse s’agenouillait dévotement de quart en quart d’heure, ayant en elle le double amour qu’ils représentent : le volontaire appel à la chasteté et l’appel involontaire au sauvage amour…

Elle était bonne à suivre, sous bois, à cette heure et dans cette saison délicieuse. Le pas souple et léger de Maurin ne s’entendait pas. Ses espadrilles choisissaient la place muette — d’où la pierre ne se détachera point, où la branchette tombée ne craque pas. Il se retournait parfois pour mesurer, — à la fuite de la vallée, là-bas, et des villages lointains, — la distance parcourue. Et la largeur de la plaine, ouatée de brumes que frangeait la dorure du soleil, lui dilatait la poitrine. Il croyait, à chaque respiration, respirer tout l’espace. La tiédeur du sol, bossué et comme gonflé de racines puissantes, passait dans ses veines. Quelque chose fermentait en lui comme en la terre rebondie où se posait son pied. Sous sa semelle, il sentait la tiédeur mouillée de la vie automnale ; elle entrait en lui et lui montait des talons à la nuque.