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MAURIN DES MAURES

seront pas demain, à Cogolin ! Et peut-être qu’ils n’ont pas tort, car les gens qu’ils cherchent pourraient bien être restés derrière eux, du côté d’Hyères !

Et Maurin, sur ce mot, se mit encore à rire de bon cœur, si haut que les verres tintaient sur les tables autour de lui. Son rire montrait dans sa face brune des dents blanches, bien rangées, serrées, éclatantes, des dents de loup.

Le beau gendarme louchait et se mordait la moustache.

— Qu’avez-vous à rire si fort ? se décida-t-il à dire, impatienté.

— Ce que j’ai ? cria Maurin ; j’ai que vous leur avez passé sur la tête, à vos trois coquins. Ah ! ah ! oui, ma foi, sur la tête ! Et comment cela ? C’est qu’ils étaient sous le pont, à moins d’une lieue d’ici, à l’endroit où de la route de Cogolin se détache la nouvelle route de Bormes. Quand je suis passé sur le pont il faisait jour encore… Et vous, faisait-il jour, quand vous y êtes passés ?

— Il faisait encore jour, répondit l’autre gendarme.

— Alors vous auriez pu voir comme moi, dans la poussière, si vous aviez des yeux, les traces de pas de ces hommes, écrites en travers de la route, sur le bord, et dessinées en poussière blanche sur l’herbe écrasée du talus. Moi, j’ai remarqué ça en passant et j’ai cherché sous le pont. Et j’ai vu vos trois pauvres bougres. Ils m’ont demandé du tabac. Et je leur en ai donné… Ah ! ah ! vous leur avez passé sur la tête !… Je parie que vous galopiez, eh ?

Et le rire de Maurin, communicatif, gagna l’assemblée.