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MAURIN DES MAURES

revoir. Reste mienne et laissons le temps nous donner conseil. Peut-être toi-même m’aimeras-tu moins dans peu de temps et tu seras alors bien contente de n’avoir pas renoncé à faire la volonté de ton père, et moi je serai satisfait de ne pas t’avoir fait perdre un bon établissement. Se marier avec moi, ce n’est guère pour toi une bonne fortune et je te le dis honnêtement.

Ils étaient debout. Il la tenait par la taille ; il la renversait un peu sur son bras et lui parlait bouche à bouche. Les paroles de Maurin n’étaient déjà plus qu’un son murmurant et confus pour elle. Le sens des raisonnements lui échappait peu à peu. Son esprit s’efforçait de se ressaisir et n’y parvenait pas. La tête rejetée en arrière, elle voyait, au-dessus d’elle, le visage de Maurin, ses yeux ardents, son air de libre et énergique chasseur, et elle lui dit :

— Je ne sais ce que tu dis, Maurin… je ne sais plus… je t’aime… je suis jalouse… je suis tienne… je ne veux plus te voir… et tu es le maître…

Il la raccompagna vers Pignans jusqu’au bas de la colline. Ils ne raisonnèrent plus de rien. Il fut dit seulement que, quand ils pourraient, ils se reverraient. Et Maurin la quitta, par prudence, dans l’intention de passer la nuit au village voisin, chez des chasseurs amis, à Gonfaron.