— Le connais-tu, celui-là ?
— Non.
Maurin à la vérité n’était pas venu souvent à Gonfaron, cette bourgade étant séparée par une large plaine de ses petites montagnes mauresques.
Il n’y était guère connu qu’aux chambrées, parmi les hommes de son âge, politiciens et chasseurs, ceux justement qui étaient tous absents du village à ce moment-là. Quand le cercle qui entourait Maurin fut devenu une petite foule, le roi s’impatienta :
— Vous auriez l’air moins étonnés, dit-il en riant, si vous voyiez voler un âne, hé ?
Ne pas oublier le mot « âne » lorsqu’on entre dans Gonfaron, ou entrer, sans quitter ses souliers, dans une mosquée, sont deux injures de même gravité, également impardonnables, aux yeux des Gonfaronnais ou des musulmans.
Il y a pourtant des ânes à Gonfaron, mais l’étranger bien élevé ne doit pas s’en apercevoir. Chatouilleuse à l’excès sur ce point, la population « écharperait » l’imprudent qui oserait cette bizarre inconvenance.
Une rumeur de mécontentement entoura donc subitement Maurin. Les enfants les premiers se fâchèrent.
— Il se fiche de nous, celui-là ! C’est pour nous dire ça que tu es là planté comme un cierge ? Regardez-moi cette flamberge : on dirait la tige d’un aloès ! Tu ferais mieux de passer ton chemin, chasseur de carton !… Va tuer des mouches !… Va peindre des cages !
Ainsi grondait le lionceau populaire.
Maurin, qui avait l’habitude de manier les foules, sentit très bien qu’il ne ressaisirait pas la faveur de celle-ci.