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MAURIN DES MAURES

ne connaît plus rien. Je les ai mis en révolution pour peu de chose… Té, vé, un âne !

Il s’arrêta, voyant à quelques pas devant lui un fils d’ânesse, pas plus gros qu’un gros chien et qui broutait l’herbe des bords du chemin, attaché par le cou au tronc d’un vieil olivier. L’âne était tout bâté.

— Il me vient une idée drôle, dit Maurin, car je vois là-bas que les bougres se sont mis à ma poursuite. Deux cents contre un, les braves !

Son idée, il l’exécuta sans plus de réflexion. Avec la corde, qui était longue et solide, il fit au bastet comme qui dirait une anse, attachée par un bout au pommeau, par l’autre au troussequin. Au milieu de cette anse, il fixa l’extrémité de la corde doublée, et, faisant passer cette corde doublée par-dessus une maîtresse branche horizontale et basse, il hissa l’âne dans l’olivier, comme on hisse un seau dans un puits ; ensuite il amarra la corde au tronc de l’arbre et la bête resta suspendue, l’air plus bête qu’avant, à trois pieds au-dessus du sol.

La pauvre créature ne disait rien, et, ses quatre jambes pendantes comme des pattes de poulpe mort, l’âne penchait sa tête piteusement vers la terre et vers les chardons rares qu’il regrettait. Et puis, il se mit bien involontairement à tourner au bout de sa corde, comme la flèche d’un vire-vire de foire.

Et Maurin dit :

— Au moins une fois dans leur vie, ils en auront vu un en l’air, d’âne ! je leur devais bien ça.

Il coupa de son couteau les quatre ailes des deux perdreaux qui lui restaient et, proprement maintenues bien ouvertes par une baguette où il les avait liées d’un