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MAURIN DES MAURES

y aurait vraiment trop de malheureux ; et, de désespoir, le monde finirait.

La profondeur de cette parole échappa à Caboufigue.

Maurin reprit :

— Le bon valet d’un maître riche a moins de peine, au fond, que son maître… Et dire qu’il y a des gens qui auraient peur d’être domestiques ! Comme si tout le monde n’était pas le domestique de quelqu’un !

« Chacun de nous sert en ce monde. Tiens, moi qui suis un enfant de la nature, j’ai des clients pour mon gibier et je les sers à l’heure et à la minute !

— Moi, dit Caboufigue fièrement, je ne sers personne.

— Quand ça ne serait que tes « ligators », que tu nourris de pourriture ! dit Maurin, et tes actionnaires qui vivent de tes ligators !… et puis…

Ici, jugeant qu’il était temps d’attaquer la question pour laquelle il était venu, il s’arrêta et, clignant de l’œil :

— Et puis… quand tu seras député, car tu veux l’être… Au fait, pourquoi me parles-tu de tout excepté de ton ambition ? Je t’attendais.

— Ah ! tu sais ça ? fit l’autre étonné, avec une nuance d’embarras ; et comment le sais-tu ? Je n’en ai encore parlé qu’au préfet, à la préfecture.

— Il devait y avoir des murs, dit Maurin.

— Alors, insinua Caboufigue, tu m’aideras un peu, j’espère ?

— Enfin, nous y voilà… Eh bien ! je suis venu ici pour te dire que je te connais trop pour t’aider, dit Maurin, qui touchait enfin au point précis où il voulait en venir. Tu serais trop malheureux.

— Et en quoi ? dit Caboufigue. Je ferais un bon ministre tout comme un autre.