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MAURIN DES MAURES

— Le préfet, dit le marchand, a, je le sais, la plus grande influence au ministère de l’Intérieur. C’est l’ami intime du ministre : je désire que mon fils soit nommé sous-préfet.

— Je suis persuadé, répliqua Théodule, que le préfet est, comme vous, trop ami de la justice, pour ne pas vous aider de tout son pouvoir.

Quelques semaines plus tard, le fils du marchand de volailles était sous-préfet et son estimable père était élevé, par la force des choses, au rang de chevalier du Mérite agricole.

Quand cela fut accompli :

— Maintenant, dit-il à Théodule, aidez-moi à vendre mon fonds. Mon métier de marchand de volailles est incompatible avec ma nouvelle dignité, et d’ailleurs il humilie mon fils !

— Fort bien, monsieur, dit Théodule, j’achète en bloc tous vos oisons.

Il les acheta, ayant son idée.

Avec les quatre mille francs du prix obtenu par son oncle — lequel, émerveillé enfin de l’habileté de son neveu, se livrait entièrement à lui — il se rendit acquéreur d’un terrain vague qu’il entoura d’une grille de bois dite « de chemin de fer ». Dans ce terrain, il fit construire quelques cabanes de planches et fit peindre au-dessus du rustique portail ces quatre mots en lettres augustales :

AU CANARD DU LABRADOR.

Que vous dirai-je ? La grande faisanderie ou canarderie des d’Auriol prospéra rapidement : « Fabrique de chapons des deux sexes. Deux millions d’œufs fécondés par an ! »