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MAURIN DES MAURES

Les fermes-modèles s’adressèrent en foule au Canard du Labrador.

Couveuses, gaveuses se multiplièrent dans le parc bientôt trop étroit. Toutes les industries du pays furent délaissées par les indigènes qui, tous, devinrent les ouvriers des d’Auriol. Deux mille cinq cents hommes chauffaient les fours, gavaient les volatiles… Le Canard du Labrador nourrissait une population entière, — un peuple d’électeurs.

— Il est temps, mon oncle, de vous faire nommer député.

La campagne électorale fut prestigieuse. L’oncle Pierre suivait docilement son neveu dans toutes les réunions. Le neveu, âgé alors de dix-huit ans à peine, pérorait :

— Vous nommerez l’homme qui, par son audace, sa persévérance, son génie industriel, a fait la fortune du pays !

Pierre d’Auriol fut nommé en effet à une écrasante majorité… Il était navré.

— Et dire, s’écriait-il, que, si j’étais un imbécile ou un gredin, j’aurais obtenu le même succès !

— Taisez-vous, mon oncle, répliquait l’adolescent, c’est ça la vie, à laquelle vous n’entendez rien. Laissez-moi faire.

À la Chambre, Pierre reconquit tout de suite l’estime de soi-même en travaillant beaucoup. Son premier discours le classa parmi les orateurs les plus convaincus — et il l’était.

« S’il est ministre aujourd’hui, je ne vous le dirai pas. Sachez seulement que les d’Auriol n’ont pas droit en réalité à ce nom illustre ; vous ne le trouverez pas sur les registres de l’état civil. Ce nom d’Auriol est