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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/95

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MAURIN DES MAURES

Elle ne songea pas plus à épouser Maurin que Maurin ne songea à l’épouser. Elle le connaissait à peine. Il lui faisait l’effet d’un personnage puissant, trop haut placé pour elle. C’était une fille bien bâtie, très souple, sans aucun éveil d’esprit. Maurin l’avait poussée du coude, en clignant de l’œil, un jour, dans les bois où elle ramassait des pignets, des champignons de pin. Elle avait compris et elle avait ri. Cette déclaration d’amour ne lui avait causé aucune surprise. Elle attendait cet événement prévu, à la manière des bêtes des bois, et des génisses ou des chèvres. La vie qu’elle menait, loin des lieux habités, depuis l’enfance, la laissait libre de craintes. La moquerie ne la visitait pas et elle n’allait pas la chercher. Elle ne craignait que son père, mais la demi-cécité du vieux, dont l’oreille aussi devenait mauvaise, la rassurait chaque jour davantage. Ce fut une histoire sans incident. Elle accoucha par un beau jour de juin.

Le cantonnier, à moitié sourd, à demi aveugle, cassait des cailloux, là-bas, sur la route. Il ne sut rien, jamais rien, de ce qui se passait, ce jour-là, chez lui…

Clairette, qui avait peur du vieux soldat, ne demandait qu’une chose : Maurin, le jour même, emmènerait chez lui l’enfant, le confierait à sa vieille mère.

Cependant l’idée d’avoir un fils à qui Maurin apprendrait un jour ses ruses de chasseur, la ravissait. Maurin, le brave garçon, guettait l’événement. Il trouva Clairette un matin, dans son pauvre logis, couchée sur un lit de feuillages. Il y avait des bruyères toutes violettes, des queïrélets qui sentent le vin nouveau et des clématites qui sentent l’amande. Le matin même, il avait pris dans un trou de roche, deux mignons renardeaux