Page:Aimard - Balle france, 1867.djvu/104

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pour nous imposer les vôtres ; il faut accepter ou mourir.


Le lion hésita.

— Oh ! oh ! toujours vos anciens moyens, à ce qu’il paraît, mais j’aurai de la patience ; voyons, qu’attendez-vous de moi ?

— Nous exigeons, reprit-il en pesant avec intention sur chaque parole, que vous preniez le commandement de tous les guerriers et qu’en personne vous dirigiez l’expédition.

— Pourquoi moi plutôt qu’un autre ?

— Parce que vous seul pouvez remplir le rôle que nous vous assignons.

— Allons donc, vous êtes fou.

— C’est vous qui l’êtes, si, depuis que vous vous trouvez avec les Indiens, vous n’avez pas compris que depuis longtemps vous auriez été tué si nous n’avions pas pris, au contraire, le soin de répandre à votre sujet des bruits qui vous ont entouré du respect général, malgré votre témérité et votre folle confiance en vous-même.

— Eh ! ceci est préparé de longue main, alors ?

— Depuis des siècles.

— Diable ! fit le comte toujours railleur ; et qu’ai-je à voir dans tout cela, moi ?

— Oh ! monsieur, pas grand’chose, répondit le proscrit en raillant, et tout autre que vous nous eût parfaitement convenu ; malheureusement pour vous, vous ressemblez à s’y méprendre à l’homme qui seul peut marcher à notre tête, et comme cet homme est mort depuis longtemps, qu’il n’est pas probable qu’il ressuscitera tout exprès pour nous guider au combat, c’est vous qui prendrez sa place.

— Fort bien ; et y aurait-il indiscrétion à vous demander le nom de cet homme auquel j’ai l’honneur de ressembler si fort ?

— Pas la moindre, répondit froidement le vieillard, d’autant plus que déjà vous avez sans doute entendu prononcer son nom, il se nommait Montezuma. »

Le comte partit d’un éclat de rire.

« Allons, dit-il, la plaisanterie est charmante, seulement je la trouve infiniment prolongée ; maintenant, un mot à mon tour.

— Parlez.

— Quoi que, vous fassiez, quelque moyen que vous employiez, jamais je ne consentirai à vous servir en aucune façon. Maintenant, comme je suis votre hôte, placé sous la garantie de votre honneur, je vous somme de m’ouvrir passage.

— Cette résolution est bien arrêtée dans votre esprit ?

— Oui.

— Vous n’en changerez pas ?

— Quoi qu’il arrive.

— C’est ce que nous verrons, » dit froidement le vieillard.

Le comte lui lança un regard de mépris.

« Passage ! » dit-il résolument.

Les deux chefs haussèrent les épaules.

« Nous sommes des sauvages ! fit Natah-Otann d’un air moqueur.

— Passage ! » répéta le comte en armant son fusil.

Natah-Otann siffla.