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Page:Aimard - Balle france, 1867.djvu/106

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mant son rifle, trois visages pâles vous font-ils peur ? En avant ! en avant ! »

Les Indiens poussèrent leur cri de guerre et se jetèrent sur les chasseurs.

Les autres Peaux-Rouges, avertis de ce qui se passait par les cris de leurs compagnons, accouraient en toute hâte afin de prendre part à la lutte.


XXI

LA MÈRE ET LA FILLE.


Maintenant il nous faut, pour quelques instants, quitter nos trois vaillants champions dans la position critique où ils se trouvent, pour parler de l’un des personnages importants de ce récit, dont depuis trop longtemps nous ne nous sommes pas occupés.

Aussitôt après le départ des Indiens, John Bright, avec cette activité américaine qui ne peut être comparée à nulle autre, s’était mis à commencer son défrichement.

Le péril qu’il avait couru et auquel il n’avait échappé que par un miracle incompréhensible pour lui, lui avait fait faire cependant de sérieuses réflexions.

Il avait compris que dans la situation isolée où il se trouvait placé, il n’avait de secours à attendre de personne ; que, seul, il Lui faudrait faire face aux dangers qui, sans doute, le menaceraient chaque jour ; que, conséquemment, il devait avant tout songer à mettre son établissement à l’abri d’un coup de main.

Le major Melvil avait, par ses engagés et ses trappeurs, entendu parler du colon, mais celui-ci ignorait complètement qu’il se trouvât éloigné seulement d’une dizaine de kilomètres au plus du fort Mackensie.

Sa résolution prise, John Bright l’exécuta immédiatement.

Pour qui n’a pas vu les défrichements des pionniers et des squatters américains, les procédés simples et rapides à la fois employés par ceux-ci et l’adresse avec laquelle ils coupent en quelques instants les plus gros arbres, sembleraient tenir du prodige.

Le squatter jugea qu’il n’avait pas un instant à perdre, et, aidé par ses fils et ses serviteurs, il se mit immédiatement à l’œuvre.

Le camp provisoire avait été, ainsi que nous l’avons dit, placé sur un monticule assez élevé qui dominait au loin la prairie. Ce fut en ce lieu que le colon se décida à établir définitivement sa demeure future.

Il commença par faire planter tout autour de la plate-forme de la colline une rangée de pieux énormes, hauts de douze pieds et reliés entre eux par des crampons solidement attachés.

Cette première enceinte terminée, il fit creuser derrière un large fossé de huit pieds environ, profond de quinze, dont la terre fut rejetée en talus en arrière, de façon à former une seconde enceinte.

Puis, dans l’intérieur de cette forteresse improvisée qui, défendue par une garnison résolue, était imprenable, à moins d’avoir du canon pour la battre en brèche, car les pentes abruptes de la colline où l’on n’avait conservé qu’un chemin étroit et en zigzag rendaient tout assaut impossible, il creusa enfin les fondations de l’habitation définitive de sa famille.

Les arrangements provisoires qu’il avait pris lui permettaient désormais de continuer ses travaux avec moins de hâte ; grâce à son activité prodigieuse, il pouvait défier les attaques de tous les rôdeurs de la prairie.

Sa femme et sa fille s’étaient activement employées à l’aider, car elles comprenaient mieux que tout le reste de la famille l’utilité de ces travaux de défense.

Les pauvres femmes, peu habituées au rude labeur auquel elles s’étaient livrées, avaient besoin de repos. John Bright ne s’était pas plus ménagé que les autres ; il comprit la justesse de la demande que sa femme et sa fille lui adressaient, et comme il n’avait plus rien à redouter provisoirement, il accorda généreusement un jour entier de repos à la petite colonie.

Les événements qui avaient marqué l’arrivée des squatters dans la province avaient laissé une profonde impression dans le cœur de mistress Bright et de sa fille.

Diana surtout avait conservé du comte de Baulieu un souvenir que, loin de l’affaiblir, le temps ne faisait que rendre plus vif.

Le caractère chevaleresque du comte, la noble façon dont il avait agi, et, disons la vérité tout entière, les qualités physiques de sa personne, tout concourait à le rendre cher à la jeune fille, dont jusque-là les jours s’étaient écoulés calmes et tranquilles, sans que rien ne fût venu jamais jeter un intérêt dans cette vie, et un nuage dans ce cœur qui s’ignorait.

Bien des fois, depuis le départ du jeune homme, elle s’arrêtait au milieu de ses travaux, relevait la tête, regardait avec anxiété autour d’elle, puis elle reprenait son ouvrage en étouffant un soupir.

Les mères sont clairvoyantes, surtout celles qui, comme mistress Bright, aiment réellement leurs filles.

Ce dont son mari et son fils ne se doutaient pas, elle le devina, rien qu’en considérant quelques secondes le visage pâle de la pauvre enfant, ses yeux cernés d’un cercle de bistre, son regard pensif et sa démarché nonchalante.

Diana aimait.

Mistress Bright regarda autour d’elle. Personne ne pouvait être l’objet de cet amour ; aussi loin qu’elle creusât ses souvenirs, elle ne se rappelait personne que sa fille eût semblé distinguer avant