Aller au contenu

Page:Aimard - Balle france, 1867.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


La jeune fille appuya le canon d’un pistolet sur le front de Natah-Otann.

Natah-Otann ne redoutait pas la mort ; seulement, il tremblait de laisser inachevée la tâche glorieuse qu’il s’était imposée ; il était honteux de s’être ainsi laissé tomber dans un piège grossier, tendu par une créature à moitié folle ; le cou tendu en avant, les sourcils froncés, il suivait avec anxiété, sur le visage de la jeune fille, les sentiments qui, tour à tour, s’y reflétaient comme sur un miroir, afin de calculer les chances qui lui restaient encore de sauver une vie si précieuse à ceux qu’il voulait rendre libres.

Bien qu’il fût résigné à son sort, comme tous les hommes d’élite, il ne s’abandonnait pas et luttait au contraire jusqu’au dernier moment.

Fleur-de-Liane releva enfin la tête ; son beau visage avait pris une expression étrange, son front rayonnait, ses yeux bleus si doux semblaient jeter des éclairs.

« Ma mère, dit-elle d’une voix mélodieusement accentuée, donnez-moi ces pistolets que vous tenez à la main.

— Qu’en veux-tu faire, enfant ? demanda la Louve dominée malgré elle.

— Venger mon père ; n’est-ce pas pour cela que vous m’avez fait venir ici ? »

Sans répondre, la Louve lui remit ses armes.

La jeune fille saisit vivement les pistolets, s’approcha lentement du chef et s’agenouilla devant lui.

Natah-Otann la regarda venir calme et souriant.

Fleur-de-Liane tendit le bras et appuya le canon d’un pistolet sur le front du sachem.

Pendant quelques secondes, ils demeurèrent ainsi face à face.

« Tue-moi, enfant ! » dit doucement le chef.

La jeune fille hocha tristement la tête, se releva d’un bond, puis, d’un geste rapide comme la pensée, elle lança les pistolets dans le précipice.