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Page:Aimard - Balle france, 1867.djvu/132

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renseignements qu’elle était parvenue à se procurer sur les intentions de Natah-Otann et sur les mouvements des Indiens, n’avait pu faire au major qu’un rapport fort incomplet, par la raison toute simple que les sachems du grand conseil des nations alliées tenaient leurs délibérations tellement secrètes que le Loup-Rouge, malgré toute sa finesse, n’avait pu surprendre qu’une faible partie du plan qu’ils se proposaient de suivre.

Les batteurs d’estrade, expédiés dans toutes les directions, avaient fait sur les mouvements des Pieds-Noirs des rapports effrayants ; les Indiens paraissaient, cette fois, résolus à frapper un grand coup ; toutes les nations du Missouri avaient répondu à l’appel de Natah-Otann, les tribus arrivaient les unes après les autres se joindre aux confédérés, dont le nombre qui, dans le principe, était à peine d’un millier, atteignait maintenant le chiffre effrayant de quatre mille, et menaçait de ne pas s’arrêter là.

Le fort Mackensie était enveloppé de toutes parts d’ennemis invisibles, qui avaient complètement coupé les communications avec les autres établissements de la société des pelleteries, et rendaient la position du major extrêmement critique.

Aussi les chasseurs étaient-ils fort perplexes, et depuis plusieurs heures qu’ils étaient réunis en conseil, ils n’avaient encore trouvé que des moyens insuffisants ou impraticables pour débloquer la forteresse.

Les blancs ne sont parvenus à s’imposer en Amérique qu’au moyen de la division qu’ils ont su semer parmi les peuples autochtones de ce continent ; partout où les aborigènes sont demeurés unis, les Européens ont échoué, témoin les Araucanos du Chili, dont la petite mais vaillante république a su, jusqu’à ce jour, faire respecter son indépendance ; les Seminoles de la Louisiane qui, dans ces derniers temps seulement, ont été vaincus après une guerre acharnée faite dans toutes les règles, et tant d’autres nations indiennes qu’il nous serait facile de citer, si besoin était, à l’appui de ce que nous avançons.

Cette fois, les Peaux-Rouges paraissaient avoir compris l’importance d’une union franche et énergique. Les divers chefs des nations alliées avaient, en apparence du moins, oublié toutes leurs haines et leurs jalousies de tribu à tribu, pour détruire l’ennemi commun. Aussi les Américains, malgré leur bravoure à toute épreuve, tremblaient à la seule pensée de la guerre d’extermination qu’ils allaient avoir à soutenir contre des ennemis exaspérés par de longues vexations, lorsqu’ils se comptaient et reconnaissaient combien ils étaient faibles et peu nombreux, comparés aux masses qui se préparaient à les écraser.

Le conseil, un instant interrompu à l’arrivée de Balle-Franche, fut repris aussitôt, et la discussion continua.

« By God ! s’écria John Bright avec colère en frappant du poing sur sa cuisse, je dois avouer que je n’ai pas de chance, tout tourne contre moi ; à peine suis-je installé ici, où tout me faisait présager un avenir des plus confortables, que me voilà malgré moi entraîné dans une guerre contre ces païens endiablés. Qui sait comment cela finira ? il est évident pour moi que nous y laisserons tous nos chevelures. By God ! belle perspective pour un homme tranquille, qui ne songe qu’à élever honorablement sa famille par son travail.

— Ce n’est pas de cela qu’il s’agit en ce moment, dit Ivon ; il s’agit de délivrer mon maître, coûte que coûte. Comment ! vous avez peur de vous battre, vous dont c’est à peu près le métier, et qui n’avez pas fait autre chose de votre vie, tandis que moi, qui suis connu pour un insigne poltron, je ne crains pas de risquer ma chevelure pour sauver mon maître.

— Vous ne me comprenez pas, master Ivon ; je ne dis pas que je redoute de combattre les Peaux-Rouges ; Dieu me garde de craindre ces païens que je méprise ! Seulement, je crois qu’il peut être permis à un honnête et laborieux cultivateur, tel que je suis, de déplorer les suites d’une guerre avec ces démons ! Je sais trop ce que ma famille et moi nous devons à votre maître, pour hésiter à voler à son secours, quoi qu’il doive en résulter. Le peu que je possède, c’est lui qui me l’a donné, je ne l’ai pas oublié, by God ! et quand je devrais être tué, je ferai mon devoir.

— À la bonne heure ! voilà qui est parlé, s’écria Ivon avec joie ; je savais bien que vous ne reculeriez pas.

— Malheureusement, objecta Balle-Franche, tout cela ne vous avance pas à grand’chose ; je ne vois guère comment nous pourrons servir nos amis ; ces démons rouges tombent sur nous plus nombreux que les sauterelles au mois de juillet : nous aurons beau en tuer beaucoup, ils finiront par nous accabler sous le nombre. »

Cette triste vérité, parfaitement comprise des assistants, les plongea dans une morne douleur. On ne discute pas une impossibilité matérielle, il faut la subir. Les Américains se sentaient sous le coup d’une catastrophe imminente, et leur désespoir s’augmentait en raison de leur impuissance. Tout à coup, le cri : Aux armes ! poussé à plusieurs reprises en dehors, les fit bondir sur leurs sièges ; chacun s’empara de ses armes et se précipita au dehors.

Le cri d’appel qui avait rompu la conférence avait été jeté par William, le fils du squatter.

John Bright avait continué à occuper le sommet de la colline sur laquelle il avait campé à son arrivée dans le désert ; seulement cette colline, grâce aux travaux exécutés par les Américains, était devenue une véritable forteresse, capable non-seulement de résister à un coup de main tenté par des maraudeurs, mais même en état de tenir en échec des forces considérables.

Tous les yeux se dirigèrent vers la prairie, dont le paysage accidenté se déroulait dans un rayon de cinq ou six lieues de tous les côtés ; les chasseurs reconnurent avec une épouvante secrète que William ne s’était pas trompé ; une nombreuse troupe de guerriers indiens, revêtus de leurs grands cos-