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Camp des Indiens.

« Attention, dit à voix basse Balle-Franche, la première fois qu’il se trouva seul avec Ivon, à compter d’aujourd’hui, veillez avec soin sur votre maître, car un danger terrible le menace ! »


XII

LA LOUVE DES PRAIRIES.


Quatre ou cinq heures environ après les divers événements que nous avons rapportés dans nos précédents chapitres, un cavalier monté sur un fort cheval caparaçonné à l’indienne, c’est-à-dire orné de plumes et peint de couleur tranchantes, traversait un étroit ruisseau, affluent ignoré du Mississipi, et s’enfonçait au galop dans la prairie, dans la direction de la forêt vierge dont nous avons déjà parlé plusieurs fois.

Chose bizarre, le cheval, semblable au coursier fantôme de la ballade de Burger, semblait glisser sur le sol plutôt qu’y marcher, bien que sa couse fût rapide, que sa longue crinière flottât au vent et que ses naseaux soufflassent une fumée épaisse.

On aurait vainement cherché à entendre retentir sur le sol pierreux qu’il foulait le bruit de ses pas.

Le cavalier, revêtu du costume de guerre des Indiens pieds-noirs, et qu’à la plume d’aigle qu’il portait fichée au-dessus de l’oreille droite, il était facile de reconnaître pour un chef, se penchait incessamment sur le cou de sa monture qu’il excitait du geste à redoubler encore la rapidité de sa course.

Il faisait nuit, mais une nuit américaine, pleine d’acres senteurs et de mystérieux murmures, avec un ciel d’un bleu profond, plaqué d’un nombre infini d’étoiles éblouissantes ; la lune répandait à profusion ses rayons d’argent sur le paysage et jetait une clarté trompeuse qui imprimait aux objets une apparence fantastique.

Tout semblait dormir dans la prairie ; le vent même n’agitait que faiblement la cime ombreuse des grands arbres ; les bêtes fauves, après avoir été boire au fleuve, avaient regagné leurs repaires ignorés.

Seul, le cavalier marchait, glissant toujours silencieux dans les ténèbres.

Parfois il relevait la tête comme pour consulter