Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/30

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peut-être me saura-t-il mauvais gré de vous avoir conduite vers lui, répondit Valentin.

— Non, fit-elle, vous me trompez, telle n’est pas votre pensée en ce moment.

Il la regarda avec étonnement.

— Mon Dieu ! continua-t-elle avec animation, croyez-vous donc que je ne sache pas ce qui en ce moment vous tourmente ? C’est de voir une jeune fille de mon âge, riche, bien née, faire, ainsi que vous dites, vous autres, une démarche inconvenante et qui, lorsqu’elle sera connue, la perdra inévitablement de réputation. Eh ! mon Dieu ! nous autres Américaines, nous ne sommes pas comme vos femmes froides et compassées d’Europe, qui font tout par poids et mesure : nous aimons ou nous haïssons ; ce n’est pas du sang, c’est la lave de nos volcans qui circule dans nos veines ! Mon amour, c’est ma vie ! Peu m’importe le reste. Demeurez ici quelques instants ; laissez-moi arriver seule ; don Luis, j’en suis convaincue, comprendra et appréciera à sa juste valeur ce que je fais. Ce n’est pas un homme ordinaire, lui ; je l’aime, vous dis-je. Dans un amour véritable et ardent comme le mien, il y a une certaine attraction magnétique qui fait qu’on ne peut le dédaigner.

La jeune Mexicaine était splendidement belle en prononçant ces paroles ; la taille cambrée, la tête rejetée fièrement en arrière, l’œil étincelant et la lèvre frémissante, il y avait à la fois en elle de la vierge et de la bacchante.

Dominé malgré lui par l’accent de la jeune femme, ébloui par sa resplendissante beauté, le chasseur s’inclina respectueusement devant elle, et d’une voix émue :