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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/259

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LA FIÈVRE D’OR.

Et il fouilla dans la poche de son uniforme ; don Antonio l’arrêta dédaigneusement.

— Vous vous êtes étrangement trompé à mon égard, caballero, dit-il ; lorsque, comme moi, on a l’honneur de représenter la France, on ne se laisse pas aussi misérablement corrompre.

— Ah bah ! fit le colonel en ricanant.

— Mon devoir m’ordonne de protéger la compagnie française, et, quoi qu’il arrive, je la protégerai envers et contre tous.

— Supérieurement parlé.

— Allez, continua don Antonio avec feu, retournez auprès de ceux qui vous envoient, et dites-leur que don Antonio Pavo n’est pas un de ces hommes auxquels on puisse aussi facilement faire oublier leur devoir.

— C’est charmant ! et vous avez réellement dit cela comme il faut.

Don Antonio se leva, et d’un geste majestueux montrant la porte au colonel :

— Sortez, monsieur, dit-il froidement, ou je ne répondrais pas de ma colère.

Le colonel ne bougea pas, il ne changea rien à la position nonchalamment insolente qu’il avait adoptée dans le principe ; seulement, lorsque don Antonio se tut, il jeta sa cigarette, presque entièrement consumée, et lançant à son interlocuteur un regard d’une expression indéfinissable :

— Avez-vous fini ? lui demanda-t-il paisiblement.

— Caballero ! s’écria don Antonio en se redressant avec majesté.

— Permettez, don Antonio, je ne désire nullement demeurer plus longtemps ici, à vous faire perdre un