Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/105

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— Je le tuerai, moi.

— Au revoir, don Martial, au revoir.

— Au revoir, doña Anita, prenez courage, je veille sur vous.

Et après avoir imprimé un dernier et chaste baiser sur le front pur de la jeune fille, il enjamba le balcon, et se suspendant à la reata, il se laissa glisser dans la rue.

La fille de l’haciendero dénoua le nœud coulant, se pencha au dehors, et suivit des yeux le Tigrero autant de temps qu’elle put l’apercevoir ; puis elle referma la fenêtre.

— Hélas ! hélas ! murmura-t-elle, en étouffant un soupir, qu’ai-je fait !… Sainte Vierge, vous seule pouvez me rendre le courage qui m’abandonne !

Elle laissa tomber le rideau qui voilait la fenêtre, et se retourna pour aller s’agenouiller devant la Vierge ; mais soudain elle recula en poussant un cri de terreur.

À deux pas d’elle, don Sylva de Torrès se tenait les sourcils froncés, le visage sévère.

— Doña Anita, ma fille, dit-il d’une voix lente et saccadée, j’ai tout vu, tout entendu ; épargnez-vous donc, je vous prie, une dénégation inutile.

— Mon père !… balbutia la pauvre enfant d’une voix brisée.

— Silence ! reprit-il, il est trois heures du matin. Nous partons au lever du soleil préparez-vous dans quinze jours à épouser don Gaetano de Lhorailles.

Et sans daigner ajouter un mot, il sortit à pas lents en refermant avec soin la porte derrière lui.