Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/236

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l’endroit qu’ils avaient atteint, lorsque l’Ours-Noir, qui se trouvait en tête, et dont l’œil perçant interrogeait incessamment l’espace dans toutes les directions, aperçût à quelques brasses en avant de lui une pirogue qui se balançait gracieusement, attachée à un fouillis d’arbres morts.

Cette pirogue fut immédiatement suspecte au défiant Indien ; il ne lui parut pas naturel qu’à une heure aussi avancée de la nuit, une embarcation quelconque se trouvât ainsi amarrée et abandonnée au large ; mais l’Ours-Noir était un homme d’une décision prompte, que rien n’embarrassait et qui, en toutes choses, prenait rapidement son parti. Après avoir attentivement examiné cette mystérieuse pirogue toujours stationnaire non loin de lui, il se pencha vers la Petite-Panthère, qui, accroché au même arbre, se tenait prêt à exécuter ses ordres, et plaçant son couteau dans ses dents, le chef abandonna son point d’appui et plongea.

Il se releva auprès de la pirogue, la saisit brusquement, la fit pencher de son côté et sauta dans l’intérieur sur la poitrine de Cucharès, qu’il prit à la gorge.

Ce mouvement fut exécuté si rapidement que le lepero ne put se servir de ses armes et se trouva complètement à la merci de son ennemi, avant même qu’il se fût bien rendu compte de ce qui lui arrivait.

— Ooeh ! s’écria l’Indien avec surprise en le reconnaissant, que fait là mon frère ?

De son côté, le lepero avait reconnu le chef ; sans qu’il sût pourquoi cela lui avait rendu un peu de courage.

— Vous le voyez bien, répondit-il, je dors.