Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/151

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ces droits imprescriptibles, surtout sur les natures jeunes et vigoureuses.

Il y eut un assez long silence entre le missionnaire et la mère de Valentin. Le père Séraphin réfléchissait profondément ; enfin il prit la parole.

— Madame, dit-il, vous avez entendu le récit de cette jeune fille : son père a été blessé dans un combat contre votre fils. Valentin n’est sans doute pas éloigné de nous ; cependant l’homme que nous avons sauvé réclame tous nos soins, nous devons veiller à ce qu’il ne tombe pas entre les mains de ses ennemis ; je vous demande donc encore quelque temps avant de vous réunir à votre fils, car il faut que le Cèdre-Rouge soit en sûreté ; surtout je vous supplie de garder le plus profond silence sur les événements dont vous avez été ou dont vous serez témoin d’ici là ; pardonnez-moi, je vous en supplie, de retarder le moment de votre réunion.

— Mon père, répondit-elle spontanément, voilà dix ans que, sans désespérer un jour ni une minute, j’attends patiemment l’heure qui doit me réunir à mon fils bien-aimé ; maintenant que je suis certaine de le revoir, qu’il n’existe plus sur son sort un doute dans mon cœur, je puis attendre quelques jours encore : je serais ingrate envers Dieu et envers vous, mon père, qui avez tant fait pour moi, si j’exigeais qu’il en fût autrement. Agissez comme votre charité et votre dévouement vous poussent à le faire ; remplissez votre devoir sans vous préoccuper de moi ; c’est Dieu qui a voulu que nous rencontrassions cet homme. Les voies de la Providence sont souvent incompréhensibles ; obéissons-lui en le sauvant, quelque indigne qu’il soit du pardon.