Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/173

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l’abnégation la plus complète et la plus dévouée ; mais, au fur et à mesure que le squatter était revenu à la santé et que ses soins s’étaient faits de moins en moins nécessaires, la digne femme s’était mise à l’écart et avait fini par ne plus voir le malade qu’à de longs intervalles.

Malgré elle, dans son âme, la mère l’avait emporté sur la chrétienne ; ce n’avait été qu’avec un frisson d’épouvante et un douloureux pressentiment qu’elle avait vu revenir à la vie celui qu’elle avait tant de raisons de considérer comme un ennemi.

D’un autre côté, elle ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir de la priver, par sa présence dans la grotte, de voir son fils à qui elle désirait tant être réunie ; aussi, lorsque le père Séraphin lui apprit le départ du squatter, elle reçut cette nouvelle avec un vif mouvement de joie, tout en le priant de la dispenser d’adieux qui ne sauraient que lui être pénibles.

Le père Séraphin y avait consenti, et nous avons vu comment il avait coupé court à la demande du squatter et de sa fille. Ils partirent.

Le Cèdre-Rouge respirait à pleins poumons ; c’était avec un bonheur indicible qu’il sentait l’air pur et frais du désert affluer à sa poitrine.

Il lui semblait renaître, il était libre de nouveau.

Le missionnaire l’examinait curieusement, analysant, à part lui, les sensations qu’éprouvait le squatter, et cherchant à établir sur ce qu’il voyait ses prévisions pour l’avenir.

Le Cèdre-Rouge comprit instinctivement qu’il était observé par son compagnon et, pour lui donner le change sur ses sentiments, il feignit de se laisser