Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/192

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— Votre fils va venir, bientôt vous le verrez ; il sera ici cette nuit même, dans deux heures à peine.

— Oh ! fit-elle avec un accent impossible à rendre ; mon Dieu ! mon Dieu ! soyez béni !

Et, tombant agenouillée sur le sol, elle fit une longue prière en fondant en larmes.

Le missionnaire l’examinait avec inquiétude, la surveillant avec soin, prêt à lui porter secours si son émotion trop forte lui causait une défaillance.

Au bout de quelques instants, elle se releva riant à travers ses larmes, et reprit sa place aux côtés du prêtre.

— Du courage ! lui dit-il ; vous qui avez été si forte dans la douleur, faiblirez-vous devant la joie ?

— Oh ! fit-elle avec âme, c’est mon fils, c’est-à-dire le seul être que j’aie jamais aimé, l’enfant que j’ai nourri de mon lait, que je vais revoir ! Hélas ! voilà dix ans que nous sommes séparés, voilà dix ans que, sur son front, la trace de mes baisers s’est effacée ! Mon Dieu ! mon Dieu ! vous ne pouvez comprendre ce que j’éprouve, mon père, cela ne se dit pas : pour une mère, son enfant est tout.

— Ne vous laissez pas ainsi maîtriser par votre émotion.

— Ainsi, il va venir ? demanda-t-elle avec insistance.

— Dans deux heures au plus.

— Que c’est long, deux heures ! fit-elle avec un soupir.

— Oh ! que c’est bien ainsi que sont toutes les créatures humaines ! s’écria le missionnaire. Vous, qui avez attendu tant d’années sans vous plaindre, vous trouvez maintenant deux heures trop longues…

— Mais c’est mon fils, mon enfant bien-aimé que j’attends ; jamais je ne le reverrai assez tôt.